Bon repos P'pa
Au fil de ma carrière de journaliste sportif, j’ai réalisé des milliers d’entrevues avec des athlètes, jeunes et moins jeunes.
Plus j’avançais en âge, plus ça arrivait souvent quand je les rencontrais qu’ils m’appelaient «Monsieur Brassard». Il en allait de même lorsque je croisais des lecteurs dans la vie de tous les jours.
La réponse était toujours toute prête quand ça arrivait: «Monsieur Brassard, c’est mon père. Moi, c’est Marc.»
Cette petite blague pour détendre l’atmosphère, je ne pourrai plus l’utiliser dorénavant parce que mon père, Raymond-Marie Brassard, n’est plus.
À l’âge de 91 ans, presque 92 puisque son anniversaire est le 1er mai, il a quitté ce bas monde paisiblement le mercredi 3 avril, ayant choisi de se prévaloir de son droit à mourir avec plus de dignité après des passages à l’Hôpital de Jonquière et la maison Le Noble Âge.
Ses derniers jours en ce bas monde auront été marqués par une qualité de vie de plus en plus réduite, d’abord par la dégénérescence maculaire qui l’a rendu presqu’aveugle, ensuite par un cancer de l’estomac inopérable à son âge avancé.
Plus vieux des garçons d’une famille de 11 enfants, il est parti rejoindre son père Napoléon et sa mère Gabrielle, ainsi que ses soeurs Thérèse, Jacqueline, Roland, Denise, Céline et Ghyslaine.
Il laisse dans le deuil son épouse pendant plus de 60 ans, ma mère Jeannine, mon frère Éric et moi avec ma conjointe Stephanie, ainsi que ses petits-fils Simon, François et Benoît, ses soeurs Monique, Madeleine et Lise, son frère Jean-Marie, de même que de nombreux neveux et nièces.
Il aura mené une vie bien simple, travaillant pendant 38 ans comme électricien d’entretien à l’usine d’Arvida de l’Alcan. Une de ses plus grandes fiertés est d’avoir eu sa propre maison sur la rue Saint-Stanislas, dans le quartier Saint-Philippe.
Il était un grand amateur de musique classique, ayant lui-même joué du violon et fait partie de la Fanfare d’Arvida dans sa jeunesse. Il aurait aimé voyager plus qu’il ne l’a fait, mais il se tenait au courant de ce qui se passait partout dans le monde en écoutant les bulletins de nouvelles locales comme internationales. Il aimait tout ce qui était mécanique, autant pour l’automobile et que l’avion.
Il n’était pas un grand athlète et ce n’est qu’à la fin de sa vie que j’ai découvert la photo qui illustre le début de ce texte, de lui vers l’âge de 15 ans jouant au hockey sur la patinoire extérieure du Patro de Jonquière. Il avait une mémoire à court terme compromise à la fin, mais des souvenirs de son enfance remontait à la surface à l’occasion, comme la fois où il avait bloqué une rondelle avec son patin en cuir et que l’ecchymose qu’elle a laissée l’a obligé à enlever son patin sur la glace même.
Peut-être que c’est pour ça que je suis devenu un gardien de but une fois débarqué dans sa vie, pour être mieux protégé des rondelles!
Mon père n’était pas un de ces parents cherchant à réaliser ses rêves de réussite athlétique à travers ses enfants. Au contraire, il s’impliquait bien peu lorsque j’ai commencé au hockey mineur. C’est ma mère qui m’amenait aux pratiques à 6 h du matin, revenant ensuite à la maison pour lui faire son déjeuner avant qu’il aille travailler à l’usine.
Il s’est impliqué dans ma «petite carrière» une seule fois, alors que j’étais un des gardiens des Orioles pee-wee d’Arvida. Lors du Tournoi pee-wee de Jonquière, important dans notre patelin, mon entraîneur Yvon Cormier avait décidé de faire jouer l’autre gardien lors de tous les matches, et on s’était rendu en demi-finale ou en finale sauf erreur, donc cinq ou six parties sans que je touche à la glace alors qu’on alternait normalement.
Mon père avait protesté de façon silencieuse, en allant se placer avec les parents de l’équipe adverse lors du dernier match du tournoi. Il avait ensuite parlé à l’entraîneur et au gérant du club, obtenant que lors du prestigieux Tournoi pee-wee de Québec, ce soit à mon tour d’avoir l’exclusivité du filet. Promesse tenue, sauf lors des cinq dernières minutes de la défaite nous éliminant à notre deuxième sortie au Colisée contre un club de Whitby, le coach voulant donner l’expérience de jouer à cet endroit mythique à mon coéquipier.
Merci pour ça, P’pa, et pour avoir appuyé ma décision de quitter le Saguenay à 17 ans pour aller à l’Université d’Ottawa plutôt que de rester à la maison pour étudier en Arts et technologie des médias (ATM) au Cégep de Jonquière, ce qui aurait été pas mal moins dispendieux. Ça a changé le cours de ma vie.
Au revoir et bon repos, c’est grandement mérité. On va célébrer ta vie bientôt, et on te promet de bien s’occuper de ta madame.